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#1 Hipsters et Papyrus

Les Nuits du Bota.. ô rendez-vous immanquable de la hype bruxelloise, qui fait régner chaque soir sur le Botanique une ambiance de première à l’Opéra. La faune qu’on y croise ne lésine ni sur le look ni sur les extravagances pour venir manifester son extase -ou son dégoût- devant les fétiches de la scène indé.

Rendons d’abord grâce aux courageux poissons rouges, qui vibrent en silence sur les basses de Fakear ou de Témé Tan. Ils forment, avec les papyrus, l’écosystème le plus cultivé au monde en matière de rock alternatif.

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Arrivés à la hauteur de la rotonde, on pique à gauche vers le parc, et on dévale les escaliers devenu pour l’occasion un amphithéâtre inversé. Face à nous s’étalent alors la ville et les jardins en terrasse, sur lesquels Victor Hugo lui-même s’extasia in tempore non suspecto.

Deux siècles de survie à Bruxelles, c’est épique, alors parlons-en.

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Le jardin ouvre en 1829, dans cette Europe qui découvre les joies de la botanique et qui agrémente ses hôtels particuliers de jardins d’hiver et de plantes exotiques. Autrefois privilège des princes, le fait de posséder des plantes bascule dans les moeurs de la bourgeoisie industrielle et de la petite aristocratie au 19e siècle. Cinq entrepreneurs s’associent pour créer un temple dédié au commerce de végétaux plus ou moins rares, ramenés des lointaines colonies.

En 1984, le vieil animal accuse solidement le coup... Neurasthénique et meurtri, il est recueilli par la communauté française, qui le remotive un peu sur l’existence en lui envoyant d’un coup les 9 muses.

Arrive ensuite le XXe siècle, qui est compliqué à Bruxelles, surtout quand vous êtes beau, vieux, et en pierre.Le cher monument est dépossédé de ses collections, et son parc commence à sérieusement affoler le clan des bétonneurs. On l’entaille pour faire passer la jonction Nord-Midi et on le mutile pour construire les tunnels de la petite ceinture, avant de carrément envisager sa démolition. 

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Après quelques décennies, l’entreprise périclite et l’état fait main basse sur le joyau pour en faire un institut de recherche scientifique.

A 189 ans, le Jardin Botanique est bien dans la place, et reste un farouche détenteur du grandiose à la bruxelloise, avec son parc rempli de végétaux terriblement funky.

#2 Street Art, Arnaque et Patin à Roulette

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C’était l’évènement mondain du weekend.

L’ouverture très médiatique du Strokar Inside, un espace éphémère dédié au Street Art dans la partie la plus bourgeoise d’Ixelles.

Le bâtiment est fait d’une longue façade moderniste, qui renferme à l’étage une immense salle soutenue par des arcades rivetées. Un peu indus, un peu destroy, on aime bien.

il y a quelques mois à peine, les caddies du Delhaize y faisaient sagement la file, au son des appels pour des responsables fruits et légumes, à la caisse quatre.

Alors commençons par remonter dans le temps pour comprendre ce bâtiment improbable.

Parmi les loisirs oubliés qui ont fait courir les foules au XIXe et au début du XXe siècle, il y a le patin à roulette. Les lieux destinés au patin étaient nombreux à Bruxelles, et le dernier d’entre eux, le plus flamboyant, le plus luxueux, ouvre en 1910 au 569 chaussée de Waterloo : c’est le Royal Rinking.

Une cathédrale métallique dédiée au plaisir du patin, une piste couverte d’un asphalte de très bonne facture dit-on, où s’activent des grooms en livrée et où résonne le son des orchestres.

L’inauguration du Rinking sera honorée par 14.882 tickets vendus, pour le seul 8 février 1910.

Concerts, concours, matches de boxe, galas.. La jeunesse bruxelloise s’y rend comme au bal ; c’est presque un miracle parce qu’il est convenable pour une jeune femme d’aller patiner, c’est en journée, c’est innocent. Les patinoires sont des lieux de rencontre qui ont probablement profité à la démographie des 19 communes.

Je suis un paragraphe. Cliquez ici pour ajouter votre propre texte et me modifier. C'est facile.

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Puis l’affaire périclite et ferme en 1924, et le bâtiment devient un concessionnaire automobile. Adieu le plafond de 20m de haut, divisé en deux pour caser des grosses américaines.

En 1983, le Garage Ford est converti en « Super », néons, carrelages, étals de fruits et barquettes en frigolites prennent le relais.

Trois Divinités du XXe siècle se seront donc succédées dans ce lieu : la Fête, la Voiture et la Consommation.

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Alors ce weekend, j’ai poussé la porte du vieux bâtiment, parce que j’aime le patrimoine industriel, et que j’aime entendre les cris de joie du passé qui résonnent dans des grandes salles vides.

Puis, parce que j’aime l’art en général, qu’il soit urbain ou rural, savant ou populaire.

 

Compte rendu.

D’abord le visiteur est accueilli par un grand panneau rempli de sponsors.

Tiens, Brussels Airlines, Besix, Duvel, puis une célèbre maison de vente aux enchères.

Bon, on a rien vu, ils ont du ficeler leur projet, soit. Ticket 5€. Peu importe.

Je passe devant un espace conçu pour prendre des selfies sur fond de Street Art. Les hashtags permettront de faire parler du projet. Sale, très sale, mais bien joué. Je passe par un espace qui vend des t-shirts, je trébuche sur un enfant en skate et je me rattrape de justesse à un comptoir, où on me demande quel type de brunch me ferait plaisir. Ok, c’est pas grave, passons par le côté, on dirait qu’il y a moins de monde.

Tiens, une expo consacrée à T-kid, qui apparemment ne peint plus sur les trains du Bronx, mais bien sur des tableaux. Ah tiens, 8000€. Ok c’est officiel, on est dans un immense traquenard. Fuyons vers l’ancien parking, dont les murs sont couverts de bas en haut, c’est l’attraction principale.

Et c’est très beau.

Au fur et à mesure que je marche, je reconnais toute la clique des bankables du milieu, de Jef Aerosol à Denis Meyer, en passant par un plagiat apolitiques de Banksy. On est presque désolé qu’ils n’aient pas pu s’offrir Shepard Fairey, Mr Brainswash ou Nick Walker.

 

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Au milieu de ça, la foule admire une œuvre d’Alexandre Keto. Un portrait de femme congolaise avec en arrière plans d’autres femmes. L’une d’entre elle tient le drapeau de l’État Indépendant du Congo de Leopold II. Aucune n’a de mains. Quelqu’un l’a-t-il remarqué ?

Je monte à l’étage et je croise l’homme au turban rouge de Van Eyck, mon tableau préféré de tous les temps, qui regarde la scène avec défiance. Il pense à la puissance de récupération du système sur ses propres détracteurs, au marketing de la contre-culture, au vertigineux acte de corruption qui se joue devant ses yeux.

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Je croise quelques peoples bruxellois, des politiciens locaux, des étudiants de la Cambre.

Il y a des mocassins, des chemises bleu ciel, des pulls saumon noués autour des épaules.

Il y a des enfants très blonds, sur des trottinettes très chères.

 

Ok c’en est trop, je me tire d’ici, en colère.

Difficile de blâmer les artistes qui ont fait des œuvres sur ces murs.

Par contre l’architecture du projet est une perversion totale.Extrait choisis, tirés du site: « En 10 ans, l’art urbain est devenu un courant artistique reconnu par le marché de l’art contemporain » Ok le ton est donné. Ensuite on monte dans les tours : « Nous pensons que les street artistes contribuent de manière importante à une société innovante et tournée vers le progrès » Là j’ai l’impression d’avoir un tract électoral du MR.

Enfin le coup de grâce, qui fait basculer cette sombre entreprise dans le ridicule le plus absolu : « Les VALEURS qui nous animent sont: l’Excellence, l’Anticonformisme, la Passion, l’Engagement. ».

 

Je rajouterai bien quelque chose, mais j’ai pas mieux.

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